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comment lier en une candide gerbe ces fleurs plaintives que les moines cultivèrent dans les pourpris des cloîtres, alors que l’hagiographie était la sœur de l’art barbare et charmant des enlumineurs et des verriers, de l’ardente et de la chaste peinture des Primitifs ?

On ne pouvait cependant songer à se livrer à de studieux pastiches, s’efforcer de singer froidement de telles œuvres. Restait alors la question de savoir si, avec les ressources de l’art contemporain, l’on parviendrait à dresser l’humble et la haute figure d’une Sainte ; et c’était pour le moins douteux, car le manque de simplesse réelle, le fard trop ingénieux du style, les ruses d’un dessin attentif et la frime d’une couleur madrée transformeraient probablement l’élue en une cabotine. Ce ne serait plus une Sainte, mais une actrice qui en jouerait plus ou moins adroitement le rôle ; et alors, le charme serait détruit, les miracles paraîtraient machinés, les épisodes seraient absurdes !… puis… puis… encore faudrait-il avoir une foi qui fût vraiment vive et croire à la sainteté de son héroïne, si l’on voulait tenter de l’exhumer et de la faire revivre dans une œuvre.

Cela est si exact que voici Gustave Flaubert qui a écrit d’admirables pages sur la légende de Saint Julien-L’Hospitalier. Elles marchent en un tumulte éblouissant et réglé, évoluent en une langue superbe dont l’apparente simplicité n’est due qu’à l’astuce compliquée d’un art inouï. Tout y est, tout, sauf l’accent qui eût fait de cette nouvelle un vrai chef-d’œuvre. Étant donné le sujet, il y manque, en effet, la flamme qui devrait circuler sous ces magnifiques phrases ; il y manque le cri de l’amour qui défaille, le don de l’exil surhumain, l’âme mystique !