Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/377

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il vit cela en un éclair et subitement tout s’effaça. Il sembla que le Démon s’était éloigné ; le mur de ténèbres qui cernait Durtal s’ouvrit et des lueurs fusèrent de toutes parts ; en un immense élan, le Salve Regina, jailli du chœur, balayait les fantômes, chassait les larves.

Le cordial exalté de ce chant le ranima. Il reprit courage, se remit à espérer que cet effroyable abandon allait cesser ; il pria et ses exorations s’élevèrent ; il comprit qu’elles étaient écoutées enfin.

L’office était terminé ; il rejoignit l’hôtellerie, et quand il parut si défait, si pâle, devant le P. Étienne et l’oblat, ils s’écrièrent : qu’avez-vous ?

Il s’effondra sur une chaise, essaya de leur décrire l’épouvantable calvaire qu’il avait gravi. Il y a plus de neuf heures que cela dure, fit-il, je m’ étonne de n’être pas devenu fou ! — et il ajouta : c’est égal, jamais je n’aurais cru que l’âme pût tant souffrir !

Et le visage du père s’illumina. Il pressa les mains de Durtal et lui dit :

— Réjouissez-vous, mon frère ; vous êtes traité tel qu’un moine ici !

Comment cela ? fit Durtal, interdit.

— Mais oui, cette agonie — car il n’y a pas d’autre mot pour définir l’horreur de cet état, — elle est une des plus sérieuses épreuves que Dieu nous inflige ; c’est une des opérations de la vie purgative ; soyez heureux, car c’est une grande grâce que Jésus vous fait !

— Et cela prouve que votre conversion est bonne, affirma l’oblat.

— Dieu ! mais ce n’est pas lui pourtant qui m’a insinué les doutes sur la Foi, qui a fait naître en moi la