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châtier ; elle les humilie, les persécute et il est dès lors permis d’espérer que Notre-Seigneur prendra en pitié ces pauvres âmes si misérablement piétinées, pendant leur séjour sur la terre, par la cohue des mufles.

— Alors il y a tout avantage à être un imbécile, car l’on est épargné sur la terre et au ciel.

— Ah certes ! Et puis… et puis… à quoi sert de discuter, puisque nous ne pouvons nous faire la moindre idée de ce qu’est la justice infinie d’un Dieu !

En voilà assez, d’ailleurs, ces débats m’assomment ! Il essaya de distraire sa pensée de ces sujets, il voulut, pour rompre l’obsession, se reporter à Paris, mais cinq minutes ne s’étaient pas écoulées que le double revenait à la charge.

Il s’emparait, une fois de plus, du dilemme boiteux de tout à l’heure, assaillait encore la bonté du Créateur, à propos des péchés de l’homme. Le Purgatoire est déjà exorbitant, car enfin, disait-il, Dieu savait que l’homme céderait aux tentations ; alors pourquoi les tolérer et surtout pourquoi le condamner ? c’est de la bonté, c’est de la justice, cela ?

— Mais c’est un sophisme ! s’écria Durtal qui s’agaçait. Dieu laisse à chacun sa liberté ; personne n’est tenté au delà de ses forces. S’il permet, en certains cas, que la séduction dépasse nos moyens de résistance, c’est pour nous rappeler à l’humilité, pour nous ramener à lui par le remords, c’est pour d’autres causes que nous ignorons et qu’il n’a pas à nous montrer. Il est probable qu’alors ces transgressions sont autrement appréciées que celles que nous avons pratiquées de notre plein gré…

— La liberté de l’homme ! Elle est jolie, oui, parlons-