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M. Bruno te le disait hier : la femme est plus passive, moins rebelle à l’action céleste…

— Eh ! qu’est-ce que cela me fait ? qu’est-ce que cela prouve ? Que plus on aime et mieux on est aimé ? mais si cet axiome est faux, au point de vue terrestre, il est certainement exact au point de vue divin ; ce qui serait monstrueux, ce serait que le Seigneur ne traitât pas mieux l’âme d’une Clarisse que la mienne !

Il y eut encore un temps de repos ; et l’attaque tourna et se rua sur un nouvel endroit.

— Alors tu crois à l’éternel enfer ? Tu supposes un Dieu plus cruel que tu ne serais, un Dieu qui a créé les gens, sans qu’ils aient été consultés, sans qu’ils aient demandé à naître ; et, après avoir pâti pendant leur existence, ils seraient encore suppliciés sans merci, après leur mort ; mais, voyons, toi-même, tu verrais torturer ton plus fervent ennemi, que tu serais pris de pitié, que tu solliciterais sa grâce. Tu pardonnerais et le Tout-Puissant serait implacable ? tu m’avoueras que c’est se faire de Lui une singulière idée.

Durtal se taisait ; l’enfer se perpétuant à l’infini demeurait, en effet, gênant. La réplique qu’il est légitime que les peines soient éternelles puisque les récompenses le sont n’était pas décisive, car enfin le propre de la Bonté parfaite serait justement d’abréger les châtiments et de prolonger les joies.

Mais enfin, se dit-il, sainte Catherine de Gênes a élucidé cette question. Elle expose très bien que Dieu envoie un rayon de miséricorde, un courant de pitié dans les enfers, qu’aucun damné ne souffre autant qu’il mériterait de souffrir, que si l’expiation ne doit pas cesser,