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siècles morts ! Tout a passé ; rien de ce qui fut surélevé dans les âges abolis ne subsiste. Et ces proses demeurées intactes, criées par des voix indifférentes et projetées de cœurs nuls, intercèdent, gémissent, implorent, efficacement, quand même, par leur force virtuelle, par leur vertu talismanique, par leur inaliénable beauté, par la certitude toute-puissante de leur foi. Et c’est le Moyen Âge qui nous les légua pour nous aider à sauver, s’il se peut, l’âme du mufle moderne, du mufle mort !

À l’heure actuelle, conclut Durtal, il ne reste de propre à Paris que les cérémonies presque similaires des prises d’habit et des enterrements. Le malheur, c’est que, lorsqu’il s’agit d’un somptueux cadavre, les Pompes Funèbres sévissent.

Elles sortent alors un mobilier à faire frémir, des statues argentées de Vierges d’un goût atroce, des cuvettes de zinc dans lesquelles flambent des bols de punch vert, des candélabres en fer-blanc, supportant au bout d’une tige qui ressemble à un canon dressé, la gueule en l’air, des araignées renversées sur le dos et dont les pattes emmanchées de bougies brûlent, toute une quincaillerie funéraire du temps du premier Empire, frappée en relief de patères, de feuilles d’acanthe, de sabliers ailés, de losanges et de grecques ! — Le malheur aussi, c’est que, pour rehausser le misérable apparat de ces fêtes, l’on joue du Massenet et du Dubois, du Benjamin Godard et du Widor, ou pis encore, du bastringue de sacristie, de la mystique de beuglant, comme les femmes affiliées aux confréries du mois de Mai en chantent !

Et puis, hélas ! l’on n’entend plus les tempêtes des grandes orgues et les majestés douloureuses du plain-