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Il survit de l’ancienne église pourtant, en sus de ces colonnes brisées et de ces chapiteaux que nous avons longés, une grande statue de Vierge qui a été dressée dans l’un des corridors de l’abbaye ; puis, il subsiste encore deux anges assez bien conservés et qui sont, tenez, là-bas, au bout de la clôture, dans une petite chapelle cachée derrière un rideau d’arbres.

— On aurait bien dû mettre la Vierge devant laquelle s’est peut-être agenouillé saint Bernard, dans l’église, sur l’autel même voué à Marie, car la statue coloriée qui le surmonte est d’une laideur importune, — ainsi que celle-là, d’ailleurs, dit Durtal, en désignant, au loin, la Madone de fonte qui s’élevait devant l’étang.

L’oblat baissa la tête et ne répondit pas.

— Savez-vous, s’écria Durtal qui, devant ce silence, n’insista pas et changea de conversation, savez-vous que je vous envie de vivre ici !

— Il est certain que je ne méritais nullement cette faveur, car, en somme, le cloître est bien moins une expiation qu’une récompense ; c’est le seul endroit où l’on soit, loin de la terre et près du ciel, le seul où l’on puisse s’adonner à cette vie mystique qui ne se développe que dans la solitude et le silence.

— Oui, et s’il est possible, je vous envie plus encore d’avoir eu ce courage de vous aventurer dans des régions qui, je vous l’avouerai, m’effraient. Je sens si bien, du reste, que, malgré le tremplin des prières et des jeûnes, malgré la température même de la serre claustrale où l’orchidée du Mysticisme pousse, je me dessécherais, dans ces parages, sans jamais m’ épanouir.

L’oblat sourit. — Qu’en savez-vous ? reprit-il ; cela ne