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dira, demain matin, avant son départ une messe et vous y communierez.

— Oh ! gémit Durtal.

Cette nouvelle lui crevait le cœur. Etre venu à la Trappe pour recevoir l’Eucharistie des mains d’un prêtre de passage, d’un prêtre jovial tel qu’était celui-là ! — Ah non, j’ai été confessé par un moine et je voudrais être communié par un moine ! se cria-t-il. — Il vaudrait mieux attendre que le P. Benoît fût rentré — mais comment faire ? Je ne puis cependant exposer au prieur que ce soutanier inconnu me déplaît et qu’il me serait vraiment pénible, après avoir tant fait, de finir par être réconcilié, dans un cloître, ainsi !

Et il se plaignit à Dieu, lui dit que tout le bonheur qu’il pouvait avoir, d’être décanté, d’être enfin clair, était maintenant gâté par ce mécompte.

Il arriva au réfectoire, la tête basse.

Le vicaire était déjà là. Voyant la mine contrite de Durtal, il tenta charitablement de l’égayer, mais les plaisanteries qu’il essaya produisirent l’effet contraire. Pour être poli, Durtal souriait, mais d’un air si gêné, que M. Bruno, qui l’observait, détourna la conversation et accapara le prêtre.

Durtal avait hâte que le dîner prît fin. Il avait mangé son œuf et il absorbait péniblement une purée de pommes de terre à l’huile chaude qui ressemblait à s’y méprendre, comme aspect, à de la vaseline ; mais la nourriture, il s’en souciait peu maintenant !

Il se disait : c’est terrible d’emporter d’une première communion un souvenir irritant, une impression pénible — et je me connais, ce sera pour moi une hantise.