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en route

se rejoignaient devant l’autel, descendaient ensemble les marches, s’acheminaient, mêlés jusqu’au catafalque, puis, là, se redivisaient encore, en le longeant, et se rejoignaient, se confondant à nouveau, dans la grande allée bordée de chaises.

Cette procession lente et muette, précédée par d’incomparables suisses, vêtus de deuil, avec l’épée en verrouil et une épaulette de général en jais, s’avançait, la croix en tête, au-devant du cadavre couché sur des tréteaux et, de loin, dans cette cohue de lueurs tombées du toit et de feux allumés autour du catafalque et sur l’autel, le blanc des cierges disparaissait et les prêtres qui les portaient semblaient marcher, la main vide et levée, comme pour désigner les étoiles qui les accompagnaient, en scintillant au-dessus de leurs têtes.

Puis, quand la bière fut entourée par le clergé, le « De Profundis » éclata, du fond du sanctuaire, entonné par d’invisibles chantres.

— Ça, c’était bien, se dit Durtal. À la Madeleine, les voix des enfants sont aigres et frêles et les basses sont mal décantées et sont blettes ; nous sommes évidemment loin de la maîtrise de Saint-Sulpice, mais c’était quand même superbe ; puis quel moment que celui de la communion du prêtre, lorsque, sortant tout à coup des mugissements du chœur, la voix du ténor lance au dessus du cadavre la magnifique antienne du plain-chant :

« Requiem aeternam dona eis, Domine, et lux perpetua luceat eis. »

Il semble qu’après toutes les lamentations du « De Profundis » et du « Dies iræ », la présence de Dieu qui vient, là, sur l’autel, apporte un soulagement et légitime la confiante