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qui admettent l’onanisme musical dans les églises ! C’est, comme ce matin à la Madeleine où j’assistais par hasard aux interminables funérailles d’un vieux banquier ; on joua une marche guerrière avec accompagnement de violoncelles et de violons, de tubas et de timbres, une marche héroïque et mondaine pour saluer le départ en décomposition d’un financier !… C’est réellement absurde ! — Et, sans plus écouter la musique de Saint-Sulpice, Durtal se transféra, en pensée, à la Madeleine, et repartit, à fond de train, dans ses rêveries.

En vérité, se dit-il, le clergé assimile Jésus à un touriste, lorsqu’il l’invite, chaque jour, à descendre dans cette église dont l’extérieur n’est surmonté d’aucune croix et dont l’intérieur ressemble au grand salon d’un Continental ou d’un Louvre. Mais comment faire comprendre à des prêtres que la laideur est sacrilège et que rien n’égale l’effrayant péché de ce bout-ci, bout-là de romain et de grec, de ces peintures d’octogénaires, de ce plafond plat et ocellé d’œils-de-bœuf d’où coulent, par tous les temps, les lueurs avariées des jours de pluie, de ce futile autel que surmonte une ronde d’anges qui, prudemment éperdus, dansent, en l’honneur de la Vierge, un immobile rigaudon de marbre ?

Et pourtant, à la Madeleine, aux heures d’enterrement, lorsque la porte s’ouvre et que le mort s’avance dans une trouée de jour, tout change. Comme un antiseptique supraterrestre, comme un thymol extrahumain, la liturgie épure, désinfecte la laideur impie de ces lieux.

Et, recensant ses souvenirs du matin, Durtal revit, en fermant les yeux, au fond de l’abside en hémicycle, le défilé des robes rouges et noires, des surplis blancs, qui