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de miséricorde, à l’exorable Fils qu’à l’inflexible Père, à Celui que l’Ancien Testament nous montre, bouleversé de fureur, mal apaisé par les fumigations des bûchers, par les incompréhensibles attraits des holocaustes. Dans ce chant, il se dressait, plus farouche encore, car il menaçait d’affoler les eaux, de fracasser les monts, d’éventrer, à coups de foudre, les océans du ciel. Et la terre épouvantée criait de peur.

C’était une voix cristalline, une voix claire d’enfant qui clamait dans le silence de la nef l’annonce des cataclysmes ; et après elle, la maîtrise chantait de nouvelles strophes où l’implacable Juge venait, dans les éclats déchirants des trompettes, purifier par le feu la sanie du monde.

Puis, à son tour, une basse profonde, voûtée, comme issue des caveaux de l’église, soulignait l’horreur de ces prophéties, aggravait la stupeur de ces menaces ; et après une courte reprise du chœur, un alto les répétait, les détaillait encore et alors que l’effrayant poème avait épuisé le récit des châtiments et des peines, dans le timbre suraigu, dans le fausset d’un petit garçon, le nom de Jésus passait et c’était une éclaircie dans cette trombe ; l’univers haletant criait grâce, rappelait, par toutes les voix de la maîtrise, les miséricordes infinies du Sauveur et ses pardons, le conjurait de l’absoudre, comme jadis il épargna le larron pénitent et la Madeleine.

Mais, dans la même mélodie désolée et têtue, la tempête sévissait à nouveau, noyait de ses lames les plages entrevues du ciel, et les solos continuaient, découragés, coupés par les rentrées éplorées du chœur, incarnant tout à tour, avec la diversité des voix, les conditions spé-