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miné par le fracas des orgues, et il est chanté Dieu sait comme !

La plupart des maîtrises, lorsqu’elles l’entonnent, se plaisent à simuler les borborygmes qui gargouillent dans les conduites d’eaux ; d’autres se délectent à imiter le grincement des crécelles, le hiement des poulies, le cri des grues ; malgré tout, son imperméable beauté subsiste, sourd quand même de ces meuglements égarés de chantres.

Le silence subit de l’église dispersa Durtal. Il se leva, regarda autour de lui ; dans son coin, personne, sinon deux pauvresses endormies, les pieds sur des barreaux de chaises, la tête sur leurs genoux. En se penchant un peu, il aperçut en l’air, dans une chapelle noire, le rubis d’une veilleuse brûlant dans un verre rouge ; aucun bruit, sauf le pas militaire d’un suisse, faisant sa ronde, au loin.

Durtal se rassit ; la douceur de cette solitude qu’aromatisait le parfum des cires mêlé aux souvenirs déjà lointains à cette heure des fumées d’encens, s’évanouit d’un coup. Aux premiers accords plaqués sur l’orgue, Durtal reconnut le « Dies irae », l’hymne désespérée du Moyen Age ; instinctivement, il baissa le front et écouta.

Ce n’était plus, ainsi que dans le « De Profundis », une supplique humble, une souffrance qui se croit entendue, qui discerne pour cheminer dans sa nuit un sentier de lueurs ; ce n’était plus la prière qui conserve assez d’espoir pour ne pas trembler ; c’était le cri de la désolation absolue et de l’effroi.

Et, en effet, la colère divine soufflait en tempête dans ces strophes. Elles semblaient s’adresser moins au Dieu