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de ces faux semblants ; elle sait si bien, dans son for intérieur, que tout est changé, elle sent si bien la puissance terrible du sacrement, qu’elle, qui tout à l’heure souriait, tremble maintenant, dès qu’elle y pense.

Eh bien, si je me tiens en face d’un vieux moine qui sortira d’une éternité de silence pour m’écouter, d’un moine qui ne m’adjuvera, qui ne me comprendra peut-être point, ce sera affreux ! Jamais je n’arriverai au bout de mes peines, s’il ne me tend pas la perche, s’il me laisse étouffer sans me donner de l’air à l’âme, sans me porter secours !

Quant à l’Eucharistie, elle me semble, elle aussi, terrible. Oser s’avancer, oser Lui offrir comme un tabernacle son égout à peine clarifié par le repentir, son égout drainé par l’absolution, mais encore à peine sec, c’est monstrueux ! Je n’ai pas du tout le courage d’imposer au Christ cette dernière insulte ; alors à quoi bon s’enfuir dans un monastère ?

Non, plus j’y réfléchis, plus je suis forcé de conclure que je serais fou si je m’aventurais dans une Trappe !

L’Avoir, maintenant. La seule œuvre propre de ma vie serait justement de faire un paquet de mon passé et de l’apporter, pour le désinfecter, dans un cloître ; et si cela ne me coûtait pas d’ailleurs, où serait le mérite ?

Rien ne me démontre, d’autre part, que mon corps, si débilité qu’il soit, ne supportera pas le régime des Trappes. Sans croire, ou feindre de croire, avec l’abbé Gévresin, que ce genre de nourriture puisse m’être propice, je dois compter sur une allégeance surhumaine, admettre, en principe, que si je suis envoyé là, ce n’est point pour m’y aliter ou pour être obligé, dès mon arrivée, d’en