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décèle inexorable, car elle déclare qu’il faut leur infliger la prison perpétuelle et le plus tôt qu’il se peut et sans faiblir ; et, au fond, elle a raison, car toute sœur discole pourrirait le troupeau, donnerait la clavelée aux âmes !

Ils étaient arrivés, en causant, au bout de la rue de Sèvres ; l’abbé s’arrêta pour reposer ses jambes.

— Ah ! fit-il, comme se parlant à lui-même, si je n’avais pas eu, pendant toute mon existence, de si lourdes charges, d’abord un frère puis des neveux à soutenir, j’eusse fait, depuis bien des années, partie de la famille de saint Benoît. J’ai toujours eu l’attirance de ce grand ordre qui est l’ordre intellectuel de l’Eglise, en somme. Aussi, quand j’étais plus valide et plus jeune, était-ce dans l’un de ces monastères que j’allais faire mes retraites, tantôt chez les moines noirs de Solesmes ou de Ligugé qui ont conservé les savantes traditions de saint Maur, tantôt chez les Cisterciens, chez les moines blancs de la Trappe.

— C’est vrai, fit Durtal, la Trappe est une des grandes branches de l’arbre de saint Benoît ; mais pourtant est-ce que ses ordonnances ne diffèrent pas de celles que laissa le Patriarche ?

— C’est-à-dire que les Trappistes interprètent la règle de saint Benoît qui est très souple et très large, moins dans son esprit que dans sa lettre, tandis que les Bénédictins font le contraire.

En somme la Trappe est un rejeton de Cîteaux et elle est bien plus la fille de saint Bernard qui fut pendant quarante ans la sève même de cette tige, que la descendante de saint Benoît.