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elle l’auguste et l’humble vie des cloîtres. Ne regardez pas en arrière, dit-il, et ne regrettez rien, car, par ma voix, Jésus vous répète la promesse qu’il fit autrefois à Madeleine : « votre part est la meilleure et elle ne vous sera pas ôtée ». Dites-vous aussi, ma fille, qu’enlevée désormais à l’éternel enfantillage des labeurs vains, vous accomplirez, sur cette terre, une œuvre utile ; vous pratiquerez la charité dans ce qu’elle a de plus élevé, vous expierez pour les autres, vous prierez pour ceux qui ne prient point, vous aiderez, dans la mesure de vos forces, à compenser la haine que le monde porte au Sauveur.

Souffrez et vous serez heureuse ; aimez votre Epoux et vous verrez combien il est faible pour ses élues ! Croyez-moi, son amour est tel qu’il n’attendra même pas que vous soyez purifiée par la mort, pour vous récompenser de vos misérables mortifications, de vos pauvres peines. Il vous comblera, avant l’heure, de ses grâces et vous le supplierez de vous laisser mourir, tant l’excès de ces joies dépassera vos forces !

Et, peu à peu, le vieux moine s’échauffait, revenait sur les paroles du Christ à la Madeleine, montrait qu’à propos d’elle, Jésus avait promulgué la préexcellence des ordres contemplatifs sur les autres ordres, et il donnait brièvement des conseils, appuyait sur la nécessité de l’humilité, de la pauvreté qui sont, ainsi que l’énonce sainte Claire, les deux grands murs de la vie claustrée. Il bénit enfin la novice qui vint lui baiser la main et lorsqu’elle fut retournée à sa place, il pria, les yeux au ciel, le Seigneur d’accepter cette vierge qui s’offrait, comme hostie, pour les péchés du monde, puis il entonna debout le « Te Deum ».