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pour le pain sec de la mystique : les effusions de Ruysbroeck, de sainte Angèle, de sainte Catherine de Gênes, le touchent moins que les raisonnements des Saints ergoteurs et durs ; et pourtant, à côté de ceux-là, il m’a recommandé la lecture de Marie d’Agréda qu’il ne devrait pas choyer, car elle n’a aucune des qualités que, dans les œuvres de sainte Térèse et de saint Jean de la Croix, l’on aime.

Ah ! il peut se flatter de m’avoir infligé une incomparable désillusion, en me prêtant sa « Cité mystique » !

Sur le renom de cette Espagnole, je m’attendais à des souffles prophétiques, à de formidables empans, à d’extraordinaires visions et pas du tout, c’est simplement bizarre et pompeux, pénible et froid. Puis la phraséologie de son livre est insoutenable. Toutes ces expressions dont ces tomes énormes fourmillent : « ma divine Princesse », « ma grande Reine », « ma grande Dame », alors qu’elle s’adresse à la Vierge qui la traite à son tour de « ma très chère » ; cette façon qu’a le Christ de l’appeler « mon épouse », ma « bien-aimée », de la citer continuellement comme « l’objet de ses complaisances et de ses délices » ; cette manière qu’elle adopte de nommer les anges « les courtisans du grand Roi », m’agacent et me lassent.

Ça sent les perruques et les jabots, les révérences et les ronds de jambes, ça se passe à Versailles, c’est une mystique de Cour dans laquelle le Christ pontifie, affublé du costume de Louis XIV.

Sans compter, reprit-il, que Marie d’Agréda se répand en de bien extravagants détails. Elle nous entretient du lait de la Vierge qui ne pouvait tourner, des