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une confiance plus sûre et cette foi adoucissait leurs chagrins dont l’amertume se dissipait dans les explosions d’espoirs, dans les balbuties d’adoration, qui jaillissaient autour d’elle. Deux courants traversaient ce refuge, celui des gens qui sollicitaient des grâces et celui des gens qui, les ayant obtenues, s’épandaient en des remerciements, en des actes de gratitude. Aussi cette église avait-elle une physionomie spéciale, plus joyeuse que triste, moins mélancolique, plus ardente, en tout cas, que celle des autres églises.

Elle présentait enfin cette particularité d’être très fréquentée par les hommes ; mais elle abritait moins des cafards aux regards en fuite ou aux yeux blancs, que des gens de tous les monde dont une fausse piété n’avait pas avili les traits ; là, seulement, on voyait des visages clairs et des faces propres ; l’on n’y voyait point surtout l’horrible grimace de l’ouvrier des cercles catholiques, de l’affreux blousard dont l’haleine dément l’onction mal arrêtée des traits.

Dans cette église couverte d’ex-voto, plaquée jusqu’en haut de ses voûtes d’inscriptions de marbre célébrant la joie des prières accueillies et des bienfaits reçus, devant cet autel de la Vierge où des centaines de cierges dardaient dans l’air bleu des encens les fers dorés de leurs lances, la prière en commun avait lieu, à huit heures, tous les soirs. Un prêtre en chaire débitait le chapelet, puis quelquefois les litanies de Marie étaient chantées sur un air bizarre, sur une sorte de centon musical, fabriqué avec on ne savait quoi, très rythmé et changeant continuellement de ton ; tour à tour, preste et grave, amenant, pendant une seconde, une vague réminiscence