Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la Croix, car elle ne vous dérange pas comme cet inflexible saint. Avouez qu’il est vraiment par trop, celui-là, du pays des grands Christs qui saignent dans des caves !

— Et Sainte Térèse, de quelle nation est-elle donc ?

— Oui, je sais bien, elle est espagnole, mais si compliquée, si étrange, que sa race, à elle, s’oblitère, semble moins nette.

Qu’elle soit une admirable psychologue, cela est sûr ; mais quel singulier mélange elle montre aussi, d’une mystique ardente et d’une femme d’affaires froide. Car enfin elle est à double fond ; elle est une contemplative hors le monde et elle est également un homme d’état ; elle est le Colbert féminin des cloîtres. En somme, jamais femme ne fut et une ouvrière de précision aussi parfaite et une organisatrice aussi puissante. Quand on songe que, malgré d’invraisemblables difficultés, elle a fondé trente-deux monastères, qu’elle les a mis sous l’obédience d’une règle qui est un modèle de sagesse, d’une règle qui prévoit, qui rectifie les méprises les mieux ignorées du cœur, on reste confondu de l’entendre traitée par les esprits forts d’hystérique et de folle !

— L’un des signes distinctifs des mystiques, répondit, en souriant, l’abbé, c’est justement l’équilibre absolu, l’entier bon sens.

Ces conversations remontaient Durtal ; elles déposaient en lui des germes de réflexions qui levaient quand il était seul ; elles l’encourageaient à se fier aux avis de ce prêtre, à suivre ses conseils et il se trouvait d’autant mieux de cette conduite, que ces fréquentations de cha-