Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.

il y a quelques jours encore. Il est maintenant si vieux, qu’il ne peut plus soigner ses porcs. On l’occupe à éplucher les légumes à la cuisine, mais le Père Abbé l’autorise à aller rendre visite à ses anciens élèves ; et ils ne sont pas ingrats, ceux−là, car ils se dressent en de joyeuses clameurs lorsqu’il s’approche des bauges.

Lui, sourit de son sourire tranquille, grogne, un instant, avec eux, puis il retourne se terrer dans le mutisme bienfaisant du cloître ; mais quand ses supérieurs le délient, pour quelques moments, de la règle du silence, ce sont de brefs enseignements que cet élu nous donne.

Je cite celui−ci au hasard :

Un jour que le Père Abbé lui recommande de prier pour un malade, il répond : — « Les prières faites par obéissance, ayant plus de vertu que les autres, je vous supplie, mon Très Révérend Père, de m’indiquer celles que je dois dire. »

— Eh bien, vous réciterez trois Pater et trois Ave, mon frère. »

Le vieux hoche la tête et comme l’Abbé, un peu surpris, l’interroge, il avoue son scrupule. « Un seul Pater et un seul Ave, fait−il, bien proférés, avec ferveur, suffisent ; c’est manquer de confiance que d’en dire plus. »

Et ce cénobite n’est pas du tout, ainsi que l’on serait tenté de le croire, une exception. Il y en a de pareils