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Il lui passa la lettre et elle hocha la tête.

— Combien d’argent avons-nous ?

— Pas beaucoup, huit cents francs au plus, car il y a déjà eu de la dépense, et elle ajouta, en soupirant, et ce n’est pas fini !

— Comment cela ?

Elle entra dans des explications. Il avait fallu acheter d’abord pour une cinquantaine de francs d’ustensiles de cuisine et de vaisselle. Il fallait se procurer encore des avances de café, de cognac, de sucre, de poivre, de sel, de bougies, de charbon, toute une série d’achats difficiles à effectuer dans ce château perdu.

Au reste, la question de la nourriture se compliquait comme à plaisir. La bouchère de Savin, la seule bouchère qui existât dans le pays, à la ronde, se refusait absolument, de même que tous les autres commerçants d’ailleurs, à monter jusqu’à ce château qui n’était pas situé sur leur route ; de son côté, la femme qui vient, le samedi, de Provins, avec des provisions de légumes, de poulets, d’œufs, la coquetière, ainsi qu’on la nomme, déclarait ne pas vouloir éreinter son cheval à grimper la côte.

Il n’y avait que le boulanger qui consentait à fournir le pain, et encore était-il convenu qu’il le déposerait en bas, à la porte du château, au bout