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quand il échoua, au bout du château, dans un salon immense, garni de rayons et d’armoires. Il recula les volets d’une croisée et dans un jet de lumière, la physionomie de ce lieu parut.

C’était l’ancienne bibliothèque du château ; les armoires avaient perdu leurs vitres dont les éclats craquaient sous ses souliers, dès qu’il bougeait ; le plafond se cuvait par places, s’écaillait, pleuvait les pellicules de ses plâtres sur la poudre du verre qui sablait le plancher de petites lueurs ; derrière lui, le jeune homme s’aperçut qu’un sureau poussait, au travers d’une fenêtre crevée, dans la pièce et époussetait de ses branches les loupes et les cloques soulevées par l’humidité des murs. En bas, en haut, tout s’avariait, se porphyrisait, s’écalait, se cariait, tandis qu’en l’air d’énormes araignées de grange, estampées sur le dos d’une croix blanche, se balançaient, dansant de silencieuses chaconnes, les unes en face des autres, au bout d’un fil.

Ainsi que dans la chambre à coucher de la marquise, il restait songeur ; cette bibliothèque, si délabrée, avait dû vivre. Qu’étaient devenus tous les veaux jaspés, tous les maroquins à gros grains, bleu gendarme ou vin de Bordeaux, tête de More ou myrte, les peaux du Levant, armoriées sur les plats et dorées sur les tranches ; qu’était devenue l’indispensable mappemonde, avec ses têtes d’anges