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fumier et des bouses ; un cri du coq le tira de sa torpeur ; il ouvrit un œil ; le père Antoine fourgonnait maintenant sous le hangar. Jacques bâilla, puis s’intéressa à une troupe de canards qui marchait, en se balançant, sur lui. À six pas ils s’arrêtèrent, tournèrent court et s’élancèrent en faisant clapoter la pince citron de leur bec contre un morceau de vieux bois, l’écaillant et gobant les cloportes qui, découverts, fuyaient en hâte.

— Ah çà, tu dors, fit l’oncle Antoine, viens avec moi jusqu’à la côte de la Graffigne, ça te réveillera.

Mais le jeune homme refusa ; il préférait aller visiter les chambres du château.

Il était, en effet, curieux de sonder l’intérieur de cette bâtisse et de s’assurer, avant la nuit, s’il ne serait pas possible de s’installer dans une pièce mieux fermée et moins triste.

Il se sentait épuisé par son voyage en chemin de fer, par sa trotte à pied, par sa nuit vide. Il lui semblait avoir du feu dans la paume des mains et des bouffées de chaleur lui passaient auprès des tempes. Chemin faisant, il se raisonna ; s’il était agité par cette vague et tyrannique crainte, possédé par cette préoccupation de sécurité, par ce besoin de vigie, hanté par cet inexplicable rêve qui l’obsédait maintenant encore, cela tenait simplement à son état d’énervement et de fatigue, à son