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le ru de ses pensées qui s’écartaient de leur première source ; le soleil commençait à lui chauffer le dos et à lui couler à son insu un fluide de joie dans les veines. Il se leva et regarda, derrière lui, le paysage qui s’étendait à ses pieds, à perte de vue, pendant des lieues entièrement plates, un paysage écartelé par deux grandes routes d’une longue croix blanche entre les bras de laquelle courait, fouettée par le vent, une fumée nuancée de vert par les seigles, de violet par les luzernes, de rose par les sainfoins et par les trèfles.

Il éprouvait le besoin de marcher, mais il ne voulut pas revenir par le même chemin ; il longea des murs qui montaient, en faisant des coudes, s’avançant lentement, bombant le dos, écoutant le lent bourdonnement de l’air, humant la terreuse odeur du vent qui balayait la route. Il se promenait maintenant entre des pommiers et des vignes. Subitement, il aperçut une porte entrebâillée, et se trouva dans un verger au bout duquel apparaissait la tour en éteignoir du pigeonnier.

— Hé là ! fit une voix à gauche — tandis qu’un roulement de brouette arrivait sur lui.

C’était la tante Norine.

— Eh ! ben ! ça ira-t-il, ce matin, mon neveu ?

Et elle posa les bras de sa brouette à terre.