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engourdis et mous, il préféra rester habillé et attendre le jour sur une chaise.

Et il eut alors un inexplicable tohu-bohu de réflexions, un chapelet d’idées aux grains diligents et divers qui se dévida, grêlant dans sa cervelle, sans aucun fil d’attache, sans aucune suite.

Il pensa d’abord à la chance qu’il avait eue de perforer le crâne de la bête et de ne pas s’être laissé dévorer les yeux par elle. — Et cette femme nue et glacée d’or, maintenant effacée par le réveil ainsi qu’un dessin frotté avec une gomme ? comment avait pu se produire un tel rêve ? — Ah ! le jour tardait à venir ! — Comme cette arrivée à la campagne débutait mal ! — Décidément, il aurait bien de la peine à s’installer, car, à en juger par un premier coup d’œil, ce château isolé, loin d’un village, ne présentait aucune ressource ! — Quelle situation que la sienne, tout de même, et comment ferait-il, une fois revenu à Paris, pour gagner son pain ? — C’est égal, la tante Norine avait de bien singuliers yeux ! — Mais enfin de quelle façon expliquer cet étrange rêve ? — Si seulement cet ami qu’il avait jadis obligé lui avait rendu un peu d’argent, mais non, rien ! — Pauvre femme ! se dit-il, regardant Louise, blanche dans le lit, les yeux clos, les lèvres lasses.

Puis, debout, il regarda par la fenêtre ; le jour