Page:Huysmans - En rade.djvu/227

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de toutes les couleurs, de toutes les nuances, des isabelle et des bai, des blanches et des rousses, des noires dont les irrégulières macules ressemblaient aux coulures d’un encrier versé. Les unes, vues de face, bavaient, en beuglant, les cornes en bras de fourche, le fanon haut, regardant de leurs yeux en lumière l’espace qui trépidait dans la poudre bleutée du jour ; d’autres, vues de derrière, montraient seulement au-dessous des deux salières de la croupe, une queue qui oscillait telle qu’un balancier, devant les turgides amas de leurs mamelles roses.

Éparpillées dans la plaine, elles formaient une sorte de circonférence autour de laquelle erraient deux chiens-loups qui tiraient la langue.

— V’là Papillon et Ramoneau, fit le père Antoine, désignant les deux chiens ; le berger est là ; et, en effet, ils l’aperçurent qui tapait, les yeux baissés, avec son bâton, sur des mottes écrasées de terre.

— Eh ben, François, ça ira-t-il ?

Il releva sa face glabre et dure, se passa la main sur son bec d’aigle et d’une voix tout à la fois traînante et goguenarde :

— Mais oui…, mais oui… et quoique ça, père Antoine, j’ai idée, à vous voir, que vous venez au moins vers moi pour la Barrée.