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revint sur ses pas, courut d’un trottoir à l’autre, sans pouvoir réunir deux idées sûres : — Mais je l’avais tout à l’heure ! Mon Dieu ! Mon Dieu ! où l’ai-je perdue ? Ah !… une certitude absolue s’imposait soudain. C’était là derrière cette porte cochère entre-bâillée, là, dans une cour où il n’était jamais venu, qu’était sa canne !

Il pénétra dans une sorte de puisard. Pas un chat, mais un air peuplé de ténèbres habitées, empli d’invisibles corps. Il comprit qu’il était entouré, épié. Que faire ? et voilà que maintenant la cour s’éclairait et que le grand mur du fond, appuyé sur une maison voisine, se muait en une immense paroi de verre, derrière laquelle clapotait une masse turbulente d’eau.

Un coup sec, analogue à celui que frappent ces petites machines qui timbrent les tickets dans les bureaux de chemins de fer ou dans les omnibus, retentit. Ce bruit partait du mur éclairé, en bas. Jacques scrutait le sol, quand au ras des pavés, derrière la cloison de verre, une tête surgit dans l’eau, une tête renversée de femme qui monta, d’un mouvement saccadé, lent.

Le corps émergea à son tour, puis des seins menus, aux boutons rigides, puis tout un torse ferme un peu fripé sous le flanc, enfin une jambe soulevée, cachant à demi le ventre qui palpitait,