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geaient, là-haut, sur des charpentes. Mais pourquoi pleure-t-elle ainsi, poursuivit-il, en regardant les cataractes salées de larmes qui ruisselaient sur le visage désolé de la vieille ? Elle se sera disputée avec son mari, ce cul-de-jatte, peut-être. Cette explication le satisfit. Puis il sauta sur une autre idée. Il ne doit pas y avoir d’eau dans cette tour, comment pourrai-je m’y installer ? Au fait, la vieille consentira sans doute, moyennant une brève redevance, à monter des seaux, voyons-la ; il voulut la rejoindre, s’aventura sur un madrier, mais effaré par le vide, il fléchit, la gorge contractée, le front mouillé de sueur. Il n’osait plus ni avancer, ni reculer ; ses reins pliaient, il tomba à quatre pattes, se mit à cheval sur la poutre qu’il étreignit furieusement de ses deux jambes et il ferma les yeux, car sa tête tournait ; mais l’angoisse les fit rouvrir ; lentement, la poutre glissait, comme savonnée, entre ses cuisses. Il la vit diminuer, il sentit le bout fuir sous son ventre, poussa un cri, battit l’air de ses bras, s’abîma dans le gouffre.

Puis, dans la rue Honoré-Chevalier, qu’il arpentait, il se frappa le front. Et ma canne ? se dit-il. Au moment où il se trouvait, cet événement insignifiant prenait une importance énorme. Il savait d’une façon péremptoire que sa vie, que sa vie entière, dépendait de cette canne. Il oscilla, affolé,