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Dans un coin, sur un poêle de fonte, chantait une marmite de terre dont le couvercle se soulevait en crachant de petites bulles.

L’homme plongea son bras dans la poche de sa houppelande, ramena une poignée de cristaux qui crièrent en se concassant dans sa main, et, d’une voix tout à la fois gutturale et froide, il dit, en regardant fixement de ses prunelles dilatées Jacques :

— Je sème les menstrues de la terre dans ce pot où bouillotte, avec les abatis d’un léporide, la venaison des légumes, le gibier du petit pois, la fève.

— Parfaitement, dit Jacques, sans sourciller. J’ai lu les anciens livres de la Kabbale, et je n’ignore point que cette expression, les menstrues de la terre, désigne tout bonnement le gros sel…

Alors l’homme mugit et le récipient qui le coiffait tomba. Sur un crâne piriforme emplissant jusqu’au fond le seau, apparut une masse épaisse de cheveux vermillon pareils aux crins qui garnissent, dans certains régiments de cavalerie, le casque des trompettes. Il leva, tel qu’un Buddha, l’index en l’air ; de puissants borborygmes coururent dans les serpents de laine verte qui s’allongeaient sous le plafond ; les langues exaltées se promenèrent dans la gueule flétrie des veaux, en simulant le cri d’un