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ne comprenait pas la lente paperasserie des banques, ne se doutait pas de la difficulté des escomptes, attribuait à la mauvaise volonté de l’ami Moran cette situation désespérante qui l’accablait ; et elle n’ouvrait plus la bouche, ne voulant pas rendre le séjour de ce château odieux par des querelles.

Un animal vint heureusement se faufiler entre leurs deux existences et les rejoignit ; c’était le chat de la tante Norine, un grêle matou, mal nourri et laid, mais affectueux ; cette bête, d’abord sauvage, s’était rapidement apprivoisée ; l’arrivée de Parisiens avait été pour elle une aubaine ; elle mangeait les restes des viandes et des soupes, mais depuis quelque temps seulement, car la tante Norine gardait pour elle et dévorait les résidus que sa nièce lui remettait pour le chat.

S’étant aperçus de ce manège, les Parisiens distribuèrent alors, eux-mêmes, les rogatons à la bête qui les suivit et, lasse de famine et de coups, s’installa près d’eux dans le château.

Ce fut à qui la gâterait ; ce chat devint un sujet émollient de conversation, un trait d’union sans danger d’aigreurs, et il égaya par ses cavalcades la solitude glacée des pièces.

Il resta enfin couché avec Louise, lui prenant de temps en temps le cou entre ses deux pattes