maintenant, pleines de réticences ; puis le mutisme de Louise l’exaspéra ; cette façon, lorsqu’il recevait une lettre de Paris, de regarder le papier sans s’occuper des nouvelles qu’il apportait, le blessa ; il sentait, dans cette manière d’agir, un parfait dédain, pour sa maladresse d’homme pratique ; il lui semblait enfin que le changement moral qui s’était opéré en Louise se répercutait sur sa face. Il en arriva, sous la pression de cette idée, à s’adultérer la vue, à se convaincre que les traits de sa femme se paysannaient ; elle avait été jadis assez plaisante, avec ses yeux noirs, ses cheveux bruns, sa bouche un peu grande, sa figure en fer de serpe, un peu chiffonnée et fraîche. Maintenant, les lèvres lui parurent s’effiler, le nez se durcir, le teint se hâler, les yeux s’imprégner d’eau froide. À force de dévisager la tante Norine et sa femme, de chercher des similitudes de physionomies, des parités de mines, il se persuada qu’elles se ressembleraient un jour ; il vit en Norine sa femme vieille et il en eut horreur.
Habile à se tourmenter, il remonta dans ses souvenirs, se rappela la famille de Louise dont il avait entrevu le père, mort quelque temps après son mariage, un brave homme retraité dans les douanes, et qu’une de ses cousines également décédée lui avait fait connaître ; il restait, au fond