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criant sans cambouis, un grincement de grincheuse poulie rompaient la nuit muette.

— Qu’est-ce que cela ?

— C’est l’oncle qui tire de l’eau, dit-elle en riant et elle expliqua que l’eau était rare à cette hauteur, qu’un gigantesque puits, creusé dans la cour, alimentait seul le château ; il faut cinq minutes, montre en main, pour remonter le seau ; ce que tu entends c’est le bruit de la corde qui scie le treuil.

— Eh là ! cria le père Antoine, dès qu’ils furent dans la cour, en v’là de l’eau et de la fraîche, car elle sort de la craie, et il empoigna le seau de bois, clapotant et énorme, et le porta, au bout du bras, comme une plume ; — puis, les rejoignant : — Allons vers Norine, car j’ai idée qu’elle s’impatiente et qu’elle pourrait nous chicoter si nous venions à tarder en plus.

La nuit était obscure et mouillée de pluie. Ils marchèrent, à la queue-leu-leu, dans une allée, les mains levées pour parer les coups de badine noirs des branches, suivant, pas à pas, le vieux qui s’avançait, tranquille et certain, comme en plein jour.

Enfin une lumière étoilée, très basse, scintilla, grossit peu à peu, puis divergea, s’étendit, devint diffuse, à mesure qu’on avançait ; bientôt elle se