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de sa machine nerveuse dont le lourd mécanisme ne vibre point, avaient cessé pour lui. Graissé et remonté par l’ennui, l’outillage de son cerveau s’était remis en marche et la nourricière du cauchemar et de la peur, l’imagination, l’emportait aussitôt, suggérant des exagérations, multipliant des aspects de dangers, courant, en tous sens, par les voies nerveuses dont le délicat système oscillait à chaque secousse et déchargeait son énergie. Et il demeura, agité sur sa table par une tempête interne, dans laquelle surnageaient des commencements de pensées qui s’inachevaient, des décombres d’idées dont la structure démolie ressemblait à celle de certains rêves.

Comme réveillée par le mutisme de son mari, Louise, les yeux grands ouverts, se dressa sur son séant et fondit en larmes.

Il essaya de lui prendre les mains ramenées sur son visage, et, lorsqu’au travers des doigts qu’il écartait, il aperçut les yeux, il saisit une expression double, passant sous le voile des pleurs, une expression de détresse affreuse et de mépris.

Il laissa retomber les doigts qui recouvrirent la figure tels qu’une visière grillée de casque, et il s’assit au pied du lit.

Une lucidité parfaite l’éclairait soudain, balayait le vague de ses inquiétudes et de ses frayeurs,