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Jacques reconnut enfin la tante Norine et l’oncle s’agitant auprès des sapeurs qu’ils avaient loués. Ils s’arrêtèrent, en le voyant. Jacques demeura ébloui par le soleil, suant des averses, ébahi de voir ces Belges parfaitement secs, coupant le blé, d’une main, le couchant, de l’autre, sur leurs crochets.

C’étaient de hauts gaillards, à barbes jaunes, à teint bis, à yeux cillés de blond, de faux albinos, couverts d’une patine par la flamme du temps. Ils portaient une grossière chemise à raies, aussi épaisse et rude qu’un cilice, et, attaché à la ceinture de cuir du pantalon et pendant sur le bas-ventre un cornet de fer-blanc plein d’eau et de paille pour mouiller et empêcher de ballotter la pierre à aiguiser la sape.

Ils ne soufflaient mot et comme ils fauchaient du blé couché par les pluies, ils peinaient, se crachaient dans les mains, et leurs sapes criaient sur le blé qui tombait avec un long déchirement d’étoffes.

— Eh là ! bonnes gens ! c’en est un ouvrage que le blé versé ! soupirait l’oncle Antoine, et il ajouta cette remarque qui ne plut guère à Jacques : Vrai, que tu sues, mon neveu, à ne rien faire !

Quelle fournaise ! pensa le jeune homme, qui s’assit en tailleur et se tassa, cherchant à s’abri-