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Il attendait que cet abominable soleil fût couché pour sortir, et l’atmosphère demeurait encore matelassée de vapeurs lourdes.

Quant à Louise, elle se confina dans sa chambre, somnolant, anonchalie sur une chaise, perdant son peu de force dans le milieu déprimant des canicules. Elle descendit à peine, le soir, malgré les supplications de Jacques qui l’entraînait, pour la faire marcher un peu et se distraire, jusque chez Norine.

La distraction était, il est vrai, médiocre. Elle et le père Antoine se plaignaient sans trêve des manœuvres qu’ils avaient loués, expliquant qu’ils avaient engagé pour la moisson les sapeurs belges qui parcourent le nord et l’est de la France, à cette époque, criant que c’était une ruine que ces gens qu’il fallait payer et nourrir.

— C’est du fléau, disait Norine, c’est des faignants, faudrait qu’on leur-y porte tout ! On est ben malheureux, tout de même ! Il y a que les gens qui ont pas de récolte qui savont pas !

— Mais, fit Jacques, vous ne pouvez donc pas couper vos blés vous-mêmes ?

— Oh là !… oh là !… mais, mon cher garçon, la moisson elle serait terminée tant qu’à vendange. Ça durerait prochainement trois mois.

Et le vieux finissait par avouer que les Belges,