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Un froid survint entre sa femme et Norine, entre l’oncle Antoine et lui ; et cette gêne, cette réserve, cette continuelle réticence, ce furent les vieux qui l’apportèrent et qui contraignirent Jacques à se rapprocher d’eux, pour ne pas rompre.

Ce fut, sans le vouloir, sans même s’en douter, que les paysans s’écartèrent de leur nièce. D’abord ils avaient des torts envers elle et demeuraient sur la défensive, comprenant bien que les Parisiens n’avaient pas été absolument dupés par le vol du vin ; puis une inquiétude, presque une répulsion, les éloignait de Louise depuis qu’ils l’avaient vue malade et frappant du pied. Ils n’étaient pas loin de la croire possédée ou folle, craignaient peut-être même que son mal ne fût contagieux et ne les surprît. Ils pensaient aussi que l’argent de la feuillette aurait dû leur être aussitôt versé et ils étaient, en somme, déçus des bombances et des largesses sur lesquels ils avaient compté, en les invitant ; enfin, l’époque de la moisson était venue et il n’y avait plus pour eux ni famille, ni amis, ni camarades, rien ; ils étaient exclusivement préoccupés par des questions pécuniaires, hantés par des inquiétudes d’atmosphère et de grange.

Ils ne prêtèrent même plus attention aux Parisiens qu’ils dédaignaient comme des propres à rien et ils ne vinrent plus leur rendre visite ; ces cir-