Page:Huysmans - En rade.djvu/151

Cette page a été validée par deux contributeurs.

accoururent, dont quelques-unes toutes jeunes, presque gentilles, dans leurs tabliers à raies. Et la ronde s’allongea et reprit, tandis qu’isolée et virant sur elle-même, au centre, une plus grande entamait une complainte sur le massacre des Innocents et sur la Vierge :


Marie, Marie, faut vous en aller,
Car le roi Hérode il vient pour tuer
Tous les enfants qui sont au berceau
Sans oublier ceux de notre hameau.


Et la ronde s’accéléra, vola, enlevant par les bras les plus petites qui ne touchaient plus terre et dont les chapeaux, tombés sur le dos, dansaient, retenus par un élastique autour du col.

Dans le nuage de poussière qu’elles soulevaient, Jacques n’apercevait plus la fillette dont la ronde répétait sur tous les tons le chant plaintif et traîné :


Marie monta dans son cabinet,
De blanc et de bleu elle s’est habillée,
Puis, par-dessus ses plus beaux effets,
Emporta son fils dans…


Tout s’interrompit, et la ronde et le chant ; des calottes accompagnées de piaillements aigus retentirent ; une paysanne giflait éperdument l’une des petites qui avait perdu son soulier et qui continuait à sauter sur son bas.