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des oreilles énormes et velues, aux lobes percés, mais sans boucles, des pattes de lapin près des tempes, des yeux pas clairs, des nez ronds et gros aux fosses embroussaillées par des poils, une gouttière rasée dessous, des lèvres lie de vin, de durs mentons sur lesquels ils se passaient constamment les doigts.

En somme, ils ressemblaient tous aux cabots qui les imitent, avec leur rire édenté, leur teint au brou de noix et leurs ânonnements si peu comiques ; seules, les mains turgides, noires aux articulations, les ongles écrasés, fendus, éternellement sales, les calus et les croûtes des paumes, le cuir régredillé, couleur de pelure d’oignon des revers, indiquaient qu’ils travaillaient réellement la terre.

Et les jeunes avaient l’air de souteneurs et de soldats. Ils ne portaient pas des favoris en pattes de lapin, mais de courtes moustaches et des crânes tondus ras. Vus, de tête seulement, ils appartenaient à l’armée ; du chef aux pieds, sous leur haute casquette, dans leur grande blouse bleue tombant jusqu’aux chevilles, ouverte sur le devant, laissant passer un gilet mastic garni de boutons pointillés, découpés dans une sorte de fromage d’Italie ferme, dans leur pantalon gris et leurs pantoufles à talons, brodées, ils simulaient, à s’y méprendre, la pêche