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nuait et la prochaine arrivée du vin commandé à Bray achèverait de draguer sa bourse. Tout bien considéré, il eût mieux valu ne pas se sauver à la campagne, tenir tête aux assaillants, se débattre à Paris, s’installer d’une façon autre, ne pas user inutilement son peu d’argent au château de Lourps. Mais il avait été si las, et Louise était si souffrante ! enfin, il avait compté toucher des créances aux Ormes.

Ah ! cet ami qu’il avait jadis obligé et qui se refusait maintenant à le rembourser, et il est riche, je le sais, se disait-il avec rage ; c’était pourtant, autrefois, un garçon généreux ! comme la province vous écale un homme !

Mon Dieu ! que je m’ennuie, soupira-t-il ; et de même que tous les gens excédés, il rêva de ne pas être où il était, souhaita de s’enfuir loin de Lourps, à l’étranger, n’importe où, de laisser en panne ses tracas et ses ennuis, d’oublier son existence, de faire âme nouvelle et peau neuve. Eh ! ce serait la même chose partout, se dit-il ; il faudrait être transporté dans une autre planète et encore, du moment qu’elle serait habitable, la misère y serait. Et il sourit, car cette idée d’une autre planète lui rappelait ses songes de la nuit dernière, son voyage en pleine Lune ; cette fois, se dit-il, la source de mon rêve est claire, la filiation plus facile à suivre