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pense, ricanait Norine, et l’oncle donnait d’un ton docte des explications qu’on ne lui demandait pas.

— Vois-tu, mon neveu, la terre c’est pas comme le pavé de vos villes, ça travaille, mais c’est aussi comme nous, faut que ça se repose ; quand, une année, elle a donné du blé, ben, l’année qui vient on y sème de l’avoine et, l’autre année qui suit encore, on y plante de la pomme de terre ou de la betterave, puis qu’on reprend le blé et quelquefois même il faut qu’elle dorme un an, après la moisson, sans qu’on y touche ; on aurait beau être un malin qui viendrait de Paris, c’est pas en un jour qu’on apprend la terre !

Puis, pensa Jacques, ils me doucheront encore avec l’antienne de leurs plaintes et je m’entendrai répéter qu’ils sont courbatus, que c’est bien dur de s’échiner à leur âge, tandis que moi je gagne de la monnaie tant que je veux, en ne faisant rien.

Ah ! oui, j’en gagne, se dit-il amèrement, c’est étonnant combien j’en gagne ! et combien je suis capable d’en gagner ! et il se demanda, de même que tous les jours, comment, une fois de retour à Paris, il allait vivre ; mais cette question demeurait sans réponse, car il s’avouait modestement n’être bon à rien. Et au château ? l’argent dimi-