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Jacques haussa les épaules et témoigna tout à coup d’un sens pratique : — Il aurait pris les vingt sous et serait quand même parti pour Chalmaison !

Afin de laisser sa femme se reposer, il sortit, se promena au hasard des allées, puis se rendit chez la tante Norine et trouva porte close. Le mari et la femme étaient aux champs.

— Ah ! il n’y a pas d’aide à attendre d’eux quand on est malade, pensa-t-il ; ils doivent être dans les vignes de la Graffignes, si j’allais les rejoindre.

Et il n’y alla point, car il se rappelait l’extraordinaire différence qui existait entre la tante Norine et l’oncle assis chez eux, et la tante Norine et l’oncle en train de travailler dans leurs terres ; au repos, ils étaient d’aimables gens, attentionnés pour leur nièce et serviables ; au labour, ils le prenaient de haut, répondaient négligemment, cachaient mal un entier dédain. Il semblait qu’ils remplissent un sacerdoce alors qu’ils trifouillaient dans le jus de fumier et qu’eux seuls, au monde, travaillassent ; puis ils gouaillaient et, d’ordinaire très humbles, coulaient des regards insolents sur le Parisien qui ne savait seulement pas comment « pousse le blé ».

— Ben, on n’apprend pas ça à Paris, que je