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— Allons un peu vers elle, garçon, reprit le vieux. Nous leur donnerons un coup de main, car il faut que Norine s’en aille soigner le bestial ; et puis, dépêchons, car nous aurions belle d’être trempés. T’arrives à temps ; tiens, vois, v’là le ciel qui se chabouille !

Jacques suivit l’oncle Antoine. Chemin faisant, il regardait autour de lui. Ils marchaient dans d’invisibles allées bordées de massifs que décelaient des frôlements ployés de branches dans le ciel plus clair où filaient des nuées déchirées de tulle, des feuillages en aiguilles, pareils à ceux des pins, dressaient à des hauteurs formidables des cimes hérissées dont on n’apercevait plus les troncs plantés dans l’ombre. Jacques ne pouvait se rendre compte de l’aspect du jardin qu’il traversait. Tout à coup, une éclaircie se fit, les arbres s’arrêtèrent, la nuit devint vide, et, au bout d’une clairière, une masse pâle apparut, le château, sur le seuil duquel deux femmes s’avancèrent.

— Eh ben, ça ira-t-il ? cria la tante Norine, qui, avec un geste mécanique de poupée en bois, lui jeta ses bras roides autour du cou.

En deux mots, Jacques et Louise se comprirent.

Elle allait mieux ; lui, revenait sans argent, bredouille.