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il était bon, affectueux, presque câlin, certains jours, bien que plongé dans ses livres et distrait d’ordinaire, d’attentions aimables par ses études ; mais aussi quelle insouciance de ses intérêts ! Maintes fois elle s’était inquiétée de ses placements d’argent, plus retorse, plus défiante que lui en ces matières. Il haussait les épaules. Ah ! l’imbécile qui s’était laissé gruger par un banquier qu’il estimait par le seul fait que ce tripoteur ne parlait jamais d’affaires et s’occupait d’art ! Combien de fois s’était-elle exaspérée contre son mari qui était peut-être un homme supérieur dans elle ne savait quoi, mais qui était à coup sûr un béjaune, dans la pratique !

Que faire ? Elle avait pendant des années essayé de sauver son ménage des périls et des embûches, mais elle s’était constamment butée, dès qu’il s’était agi d’argent, à un mari qui ne répondait pas, se plongeait le nez dans ses livres et, impatienté, grognait ; et elle avait dû s’abstenir désormais de reproches, se répétant qu’après tout cette petite fortune n’était pas la sienne, se sentant, pour ainsi dire, dans la situation fausse d’une personne qui participe à un bien-être qu’elle ne détient pas.

Aujourd’hui, la ruine était venue, une complète ruine, et elle éprouvait une fureur de ménagère