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supplication muette de son regard le désarmaient ; s’apercevant que, dès qu’il se renfrognait, l’état de Louise devenait pire, il consentit, lui aussi, à se croiser les bras, effrayé de cette défaillance d’énergie, de ce mutisme douloureux d’une femme qu’il avait connue ardente à la besogne et vive.

Il songeait mélancoliquement, à cette heure, à la désorganisation progressive de son intérieur ; ah ! c’était irrémédiable maintenant ! et de sourdes révoltes se levaient en lui. Après tout, il ne s’était pas marié pour renouveler le désordre de sa vie de garçon. Ce qu’il avait voulu, c’était l’éloignement des odieux détails, l’apaisement de l’office, le silence de la cuisine, l’atmosphère douillette, le milieu duveté, éteint, l’existence arrondie, sans angles pour accrocher l’attention sur des ennuis ; c’était, dans une bienheureuse rade, l’arche capitonnée, à l’abri des vents, et puis c’était aussi la société de la femme, la jupe émouchant les inquiétudes des tracas futiles, le préservant, ainsi qu’une moustiquaire, de la piqûre des petits riens, tenant la chambre dans une température ordonnée, égale ; c’était le tout sous la main, sans attentes et sans courses, amour et bouillon, linges et livres.

Solitaire comme il l’était, peu accessible aux physionomies nouvelles, peu liant, ayant le monde en horreur, étant enfin parvenu à réaliser les diffi-