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de Lourps, le devançaient même, en calculant son passage dans les régions ignorées de l’avenir.

Elle datait de quand et elle était issue de quels désastres, cette déconcertante folie des nerfs ? Nul ne le savait ; après le mariage sans doute, à la suite de désordres internes qu’une fausse honte avait dissimulés le plus longtemps possible, aux diagnostics incertains des docteurs et aux imprévoyantes approches du mari ; cela s’était traîné pendant des années, n’influant que sur la santé physique, puis peu à peu, s’infiltrant dans le moral, le sapant à sa base, finissant par ordonner, dans un lamentable équilibre, les pesanteurs de la métrite aux torpeurs de l’âme, les évanouissements d’un estomac ravagé aux langueurs d’une volonté déchue.

Et petit à petit, une fissure s’était produite dans la cale du ménage, une fissure par laquelle l’argent fuyait. Louise, si attentive dans sa vigie, dès le mariage, s’était endormie, laissant la bonne mener la barque. Une voie d’eau sale était aussitôt entrée. Le jour où la domestique fit le marché, ce fut autour de la bourse de Jacques un blocus de vieilles soudardes apportant des légumes charriés par les ruisseaux, des poires véreuses remplies, de même que des tabatières, de grains noirs, des pommes habitées aux chairs de coton mâché par des chats ; les poissons devinrent sus-