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Cette vue dissémina ses angoisses. La curiosité d’un château dont il avait longtemps entendu parler, sans l’avoir vu, l’étreignit, durant une seconde ; il regarda. Les nuées guerroyantes du ciel s’étaient enfuies ; au solennel fracas du couchant en feu, avait succédé le morne silence d’un firmament de cendre ; çà et là, pourtant, des braises mal consumées rougeoyaient dans la fumée des nuages et éclairaient le château par derrière, rejetant l’arête rogue du toit, les hauts corps de cheminée, deux tours coiffées de bonnets en éteignoir, l’une carrée et l’autre ronde. Ainsi éclairé, le château semblait une ruine calcinée, derrière laquelle un incendie mal éteint couvait. Fatalement, Jacques se rappela les histoires débitées par le paysan qui lui avait indiqué sa route. Le chemin en lacet qu’il avait parcouru s’appelait le chemin du Feu parce que jadis il avait été tracé, à travers champs, la nuit, par le piétinement de tout le village de Jutigny qui courait au secours du château en flammes.

La vision de ce château qui paraissait brûler sourdement encore, exaspéra son état d’agitation nerveuse qui depuis le matin allait croissant. Ses sursauts d’appréhensions interrompues et reprises, ses saccades de transes se décuplèrent. Il sonna fébrilement à une petite porte, percée dans le