Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/70

Cette page n’a pas encore été corrigée

gaie et qu’elles n’aient point le droit d’enterrer au fond des chopines ou des lits, la tristesse des journées longues ? Eh ! qu’elles aiment et qu’elles boivent ! car travailler debout, sous la pluie qui tombe des linges pendus aux fils, sentir l’eau qui glisse sur les frisons de la nuque et coule lentement dans le ravin du dos, respirer à pleine bouche la buée des lessives, avoir les reins brûlés par le feu de la mécanique, brimballer sur l’épaule des charretées de draps, se déhancher à soutenir un panier énorme, marcher, courir, ne jamais se reposer, tremper les chemises dans l’eau bleue, les tordre, les faire essorer, les repasser au fer chaud, amidonner les manchettes, tuyauter le linge ou le perdre, le détériorer, se le faire rendre sans payement de la note par les femmes et le faire accepter contre argent par les hommes, c’est là leur effroyable tâche, leur effroyable vie !

Et combien d’entre elles passeront encore par les dernières étapes de la Passion ! Leur chemin de croix commence au tisonnement du poêle et finit au baquet des rivières ! Quand l’âge a éteint les rumeurs de leurs chairs et fait se dresser devant elles comme consolation suprême le verre de casse-gueule, alors qu’elles ont inutilement erré jusqu’à neuf heures du matin, dans le marché de la rue aux Ours, en quête d’une patronne pressée d’ouvrage,