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ferrailles, de vitres secouées, de pétarades de chevaux et de coups de timbre. Il écoute le ronchonnement d’un gosse assis sur les genoux de sa mère et dont les jambes battent en mesure les rotules voisines ; puis, fatigué de voir ces deux rangs de passagers qui se saluent à chaque secousse, il se détourne et contemple vaguement la rue.

À quoi peut-il songer alors que la carriole court de guingois toujours dans les mêmes ruisseaux, toujours dans les mêmes routes ? Il a pour se divertir les écriteaux qui se balancent au vent et indiquent les logements à louer, les boutiques fermées pour cause de décès et de mariage, la litière qui croupit devant la porte d’un malade riche. Cela est bon, le matin, quand le seau roulant commence son travail des Danaïdes, recevant et rejetant tour à tour le flot des voyageurs, mais dans la journée, après qu’il a épelé les affiches, agacé le chien de la fruitière qui jappe dès qu’il l’aperçoit, que faire ? à quoi penser ? La vie serait d’une monotonie insupportable si, de temps à autre, on ne pinçait un filou, la main dans une poche qui n’est pas la sienne. Et puis cette assemblée de femmes et d’hommes ne lui donne-t-elle pas un spectacle vieux comme le monde mais toujours réjouissant ? Une petite dame est assise et ferme les yeux, un jeune homme est en face. Quel manège pour que ces deux êtres, qui ne se sont jamais vus, arrivent, sans dire mot