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théories dont ils raffolaient assez pour les entendre quotidiennement et les juger toujours poignantes et toujours neuves. Au reste, ce sujet était pour eux intarissable ; là, partout, l’on ne parlait que de l’argent ; dès que l’on prononçait le nom de quelqu’un, on le faisait aussitôt suivre d’une énumération de ses biens, de ceux qu’il possédait, de ceux qu’il pouvait attendre. Les purs provinciaux citaient même les parents, narraient des anecdotes autant que possible malveillantes, scrutaient l’origine des fortunes, les pesaient à vingt sous près.

Ah ! c’est une grande intelligence doublée d’une grande discrétion ! disait l’élite bourgeoise de Beauchamp. Et quel homme distingué ! ajoutaient les dames. Quel dommage qu’il ne se prodigue pas davantage ! reprenait le chœur, car Maître Le Ponsart, malgré les adulations qui l’entouraient, se laissait désirer, jouant la coquetterie, afin de maintenir intact son prestige, puis souvent il se rendait à Paris, pour affaires, et, à Beauchamp, la société qui se partageait les frais d’abonnement du « Figaro », demeurait un peu surprise que cette feuille n’annonçât point l’entrée de cet important personnage dans la métropole, alors que, sous la rubrique : « Déplacements et villégiatures » elle notait spécialement, chaque jour, les départs et les arrivées « dans nos murs » des califes de l’industrie et des hobereaux, au vif contentement du lecteur qui ne pouvait certainement