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vers des lustres, presque invisibles dans leur trajet, réunis et épanouis à leur arrivée sur l’homme au trapèze en une gerbe d’une lumière bleuâtre qui allume les franges de son caleçon de micas scintillants comme des points de sucre.

La valse continue plus lentement avec des ondulations ralenties de hamac, des remuements presque insensibles de berceuse, accompagnant la mesure douce du trapèze, l’ombre double de l’homme projetée par les deux rayons de lumière électrique sur le haut de la toile.

Penchée un peu en avant, la femme saisit, elle aussi, un trapèze d’une main et se retient de l’autre à une corde. L’homme dégringole pendant ce temps, reste suspendu par les pieds, à la barre de son trapèze, immobile, la tête en bas, les bras tendus.

Alors la valse s’arrête net. Un grand silence se fait, coupé tout à coup par la détonation d’une bouteille de champagne. Un frémissement court dans le public, un « all right » traverse la salle ; la femme, lancée à toute volée, file sous la lumière des lustres, tombe, lâchant le trapèze, les pieds en avant, dans les bras de l’homme qui, au coup fracassant d’une cymbale, à la reprise de la valse montant triomphale et joyeuse, la balance, une minute par les jambes, et la jette dans le filet où elle rebondit avec son maillot d’azur et d’argent