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convictions, ni les sympathies ; son désir de se rapprocher, de toucher le coude d’un voisin cessa et, une fois de plus, il se répéta cette désolante vérité : que lorsque les anciens amis ont disparu, il faut se résoudre à n’en point chercher d’autres, à vivre à l’écart, à s’habituer à l’isolement.

Puis il essaya de se concentrer, de prendre de l’intérêt aux moindres choses, d’extraire de consolantes déductions des existences remarquées près de sa table ; il alla dîner, pendant quelque temps, dans un petit bouillon près de la Croix-Rouge. Cet établissement était généralement fréquenté par des gens âgés, par de vieilles dames qui venaient, chaque jour, à six heures moins le quart, et la tranquillité de la petite salle le dédommageait de la monotonie de la nourriture. On eût dit des gens sans famille, sans amitiés, cherchant des coins un peu sombres pour expédier, en silence, une corvée ; et M. Folantin se trouvait plus à l’aise dans ce monde de déshérités, de gens discrets et polis, ayant sans doute connu des jours meilleurs et des soirs plus remplis. Il les connaissait presque tous de vue et il se sentait des affinités avec ces passants, qui hésitaient à choisir un plat sur la carte, qui émiettaient leur pain et buvaient à peine, apportant, avec le délabrement de leur estomac, la douloureuse lassitude des existences traînées sans espoir et sans but.