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cédente, près de leurs boîtes. Il reconnaissait aussi les bibliomanes qui piétinaient, au dernier printemps, tout le long des parapets, et la vue de ces individus qu’il ne connaissait pas le charmait. Tous lui étaient sympathiques ; il devinait en eux de bons maniaques, de braves gens tranquilles, passant dans la vie, sans bruit, et il les enviait. « Si j’étais comme eux », songeait-il ; et déjà, il avait tenté de les imiter, de devenir bibliophile. Il avait consulté des catalogues, feuilleté des dictionnaires, des publications spéciales, mais il n’avait jamais découvert de pièces curieuses et il devinait d’ailleurs que leur possession ne comblerait pas ce trou d’ennui qui se creusait lentement, dans tout son être. — Hélas ! Le goût des livres ne s’apprenait pas, et puis, en dehors des éditions épuisées que ses faibles ressources lui interdisaient d’acheter, M. Folantin n’avait guère de volumes à se procurer. Il n’aimait ni les romans de cape et d’épée, ni les romans d’aventures ; d’un autre côté, il abominait le bouillon de veau des Cherbuliez et des Feuillet ; il ne s’attachait qu’aux choses de la vie réelle ; aussi sa bibliothèque était restreinte, cinquante volumes en tout, qu’il savait par cœur. Et ce n’était pas l’un de ses moindres chagrins que cette disette de livres à lire ! En vain, il avait essayé de s’intéresser à l’histoire ; toutes ces explications compliquées de choses simples ne l’avaient ni captivé, ni convaincu.